La narratrice est une
de ces personnes - qui attendent que les choses leur arrivent
bêtement de l'extérieur ». Les voici,
ces choses : un groupe de musiciens, amenés par
son fragile amant, Thomas, qui, presque aussitôt,
fait ses valises, le poste de prof où, manifestement,
elle s'ennuie, l'Ecorcheur, son collègue et premier
amour, qui a, deux ans auparavant, laissé des marques
à la fois sur son dos et dans son âme : il
la trompait. On peut être écoeuré
par moins que cela. La narratrice plante un arbre dans
son jardin. Hantée par cette géométrie
tragiquement horizontale de cadavres que le cinéma
et les médias ont rendue familière, elle
veut une géométrie verticale où les
corps sont debout ». Malheureusement, cet arbre,
elle n'a pas la patience de le voir grandir. Alors, elle
l'arrache.
Il est difficile de traduire l'abandon
et le dégoût physique d'une manière
plus efficace. Vérité du paysage urbain,
intériorité et sensibilité du personnage
principal, rien ne manque. Mais au contraire de La
nausée, modèle du genre, c'est à
l'aide d'une seule phrase de 108 pages, à peine
ponctuée de quelques paragraphes, que Christine
Perrot nous captive. Une vraie romancière. Et l'occasion
de signaler la qualité - je dirais la personnalité
- des petits volumes choisis de l'Arpenteur.
Claude Mourthé
Le Magazine littéraire, avril 1995
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L'Arbre, c’est l'histoire
l'une femme, "elle", qui a planté un
arbre et qui le regarde vivre. C’est aussi un mouvement
de balancier, assez noir, entre le désir et l'interdit,
entre la marginalité et les normes sociales.
Histoire d'une personne qui cherche à la fois la
liberté et des repères pour vivre. «
C'est la nostalgie du paradis perdu, de l'innocence perdue
», indique l'écrivain. Nostalgie de l'enfance
en somme.
« Contrairement à ce que je faisais auparavant,
j’ai pris ici beaucoup de distance avec le genre
romanesque. J'ai puisé dans ce que je connaissais
bien, dans ma vie, pour construire quelque chose »,
explique Christine Perrot. Et apparemment, cette formule
a plu à l'éditeur. Le livre est sorti en
février.
Des personnages qui la font voyager
« Au départ, je me dis qu'il y aura tel ou
tel personnage dans mon livre. Ça germe tout doucement.
Et un jour je me mets à travailler et je m'y plonge
». Ainsi, Christine Perrot, une fois la "graine
germée", a écrit le premier jet de
l'Arbre en quelques semaines et à raison
de multiples heures quotidiennes.
Elle poursuit : « Ce qui m’intéresse
le plus, c'est le voyage. Je n'écris pas avec une
fin prédéterminée. J'ai des personnages
et au fur et à mesure, je mets en place l'histoire,
ils me font découvrir des choses. Ils me font voyager
».
Gérald Camier,
La Dépêche de Normandie, avril 1995